jeudi 13 juillet 2017

Un mirage assurantiel à l'horizon ?




  

 
Si l’avènement du véhicule autonome n’est plus un scoop chez bon nombre de constructeurs automobile, il reste intéressant de suivre de très près les stratégies de déploiement de ce nouveau « produit ».

Renault annonce sa première flotte expérimentale (ce n’est donc plus un « prototype unitaire »)  pour 2018 en vue d’équiper ses véhicules de série d’ici 2020

 Le constructeur semble axer sa stratégie sur une autonomie « à la carte » de la conduite (réf. Article du blog Renault en fin de cet article) à l’aide d’une technologie qui, ponctuellement, et dans des situations de circulation pénible, en particulier les bouchons, soulagera le conducteur. L’approche a de quoi séduire et coller à l’expérience utilisateur … les années à venir le détermineront.
Le législateur donnera le tempo et l’on peut s’attendre à une véritable valse règlementaire dans les années à venir.

Des retours de boîte de nuit trop arrosés, aux situations de handicaps, à la suspension de permis de conduire … le champ d’investigation du législateur est vaste pour progressivement, mais sûrement, permettre à cette technologie d’envahir nos routes et se généraliser à terme à tous les véhicules et conducteurs passagers.

Une délicate transition assurantielle est probablement à envisager à court terme pour assurer les premiers véhicules qui seront mis en circulation  avec ces équipements de séries (baptisés « Eyes off/Hands off », conduite sans les mains, sans les yeux).

La transition assurantielle devra probablement être menée sur une échelle de temps relativement courte. Nous sommes assez généralement pétris de certitudes sur le temps de renouvellement complet du parc automobile, souvent estimé autour d’une génération environ (soit 20 ans/25 ans). Y a-t-il ou n’y a-t-il pas aujourd’hui des éléments qui tendraient à accélérer le renouvellement du parc automobile ? Une disrupture influençant  ce critère de renouvellement est-elle en cours ? Le passage de l’achat d’un service automobile (de transport) plutôt que l’achat d’un véhicule viendra-t-il simplement couper court au sujet lui-même ?

La rapidité de renouvellement du parc auto est sans doute au cœur des enjeux en terme de glissement ou maintien des parts de marché de l’assurance.
 
Un renouvellement rapide du parc auto : c’est ce dont rêvent peut-être les constructeurs … mais certainement pas les assureurs qui, pris de court, n’auraient pas eu le temps de préparer leur transformation… au risque de voir leur portefeuille auto glisser chez les constructeurs en pleine diversification pour rafler la mise ? (auto+assurance, à priori la stratégie de Tesla)
 
Tentons, sans certitude aucune, de dégager quelques grandes lignes :

  1. La période de transition (véhicule autonome/véhicules classique): nous y entrons. Des stratégies sont à construire pour continuer à assurer des véhicules encore « achetés » par des particuliers tout en supposant que l’avenir sera celui de « l’usage d’un véhicule / service » (location, ou appel de service comme on appelle un taxi : la différence serait la disponibilité immédiate et le coût probablement très réduit de la « course », nous y entrons semble-t-il déjà aussi aujourd’hui avec Uber, et ce n’est qu’un tout début …)
  2. Le point de déséquilibre assurantiel (glissement prononcé de part marché) : le nombre de véhicules autonomes/automatisés en circulation y représenterait une part de marché suffisamment importante (combien ?).  Tant que le mode de consommation sera majoritairement celui de « l’achat », on peut penser que ce point de déséquilibre ne serait pas véritablement atteint. Il devrait s’accompagner par une chute de la « sinistralité responsable » sur le parc des véhicules autonomes : une opportunité pour refondre complètement le modèle de l’assurance  avec l’émergence de nouveaux standards adaptés (d’avantage orienté assurance de personnes que de biens comme l’automobile  et, dans une certaine mesure, de l’assurance de flottes en B to B ?, assorti de nombreux services complémentaires et nouveaux)
  3. Le mirage assurantiel :  la chute de la sinistralité induite par des automatismes automobiles (avec et sans conducteur) de plus en plus perfectionnés pourrait, pendant une période donnée et temporaire, donner l’illusion que les « affaires vont bien » du côté des assureurs, juste avant  que les nouveaux modes de consommation s’imposent définitivement en standard (ce qui reste une hypothèse). Le contact en B to C (compagnie d’assurance en relation directe avec son client) étant encore temporairement maintenu, permettant ainsi de lui vendre d’autres équipements avec une meilleure rentabilité.
  4. La (quasi) disparition du mode de consommation « par l’achat » au profit de « service de transport individuel ou semi collectif » marquerait probablement la fin de cette transformation du monde (au sens large) de l’automobile (avant la prochaine !). Les acteurs nouveaux se seraient imposés, les acteurs traditionnels qui auraient su s’adapter et se mettre en rupture auraient survécus … quant aux autres, la roue tourne depuis la nuit des temps en économie et l’histoire se serait banalement répétée, à plus grande échelle sans doute cette fois ci.
  5. La (quasi) disparition de la sinistralité auto rendrait caduque l’assurance auto telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les algorithmes et technologies de plus en perfectionnés, la mise en relation de chaque automobiles entre elles (impulsions de traffic envoyée à chaque véhicule, meilleures chances d’arriver à l’heure … etc ) tendront à faire disparaître la sinistralité (le haut niveau d’automatisme du transport aérien en fait le moyen de transport le plus sûr de nos jours)

La première étape, celle de l’accompagnement assurantiel des tous premiers véhicules autonomes/automatisés, semble cruciale pour aborder les autres étapes plus sereinement et faire ses retours d’expérience, définir et redéfinir sa stratégie, voir « pivoter ». 

 
Un des éléments clef à prendre en compte pour tenter de dégager une stratégie est la vitesse à laquelle les changements s’opèrent de nos jours, qu’il s’agisse de la mise au point d’une technologie, ou la conquête de parts de marchés par une activité en rupture avec le passé.

C’est un fait et probablement la seule certitude affichée de cet article.   

source :https://group.renault.com/actualites/blog-renault/renault-presente-la-technologie-eyes-offhands-off-pour-le-vehicule-autonome-de-demain/